Liste d'équipement
Récit:
En prévision d’un projet en Islande, nous avons, Yann et moi, pas mal de choses à vérifier et du matériel à tester.
On passe rapidement en revu les différents endroits possibles pour aller skier, Queyras, Jura, Pyrénées, finalement ce sera le Vercors. Beaucoup de retours enthousiastes et surtout il y a le Mont Aiguille à faire. Sommet que j’envisage depuis longtemps.
Je m’intéresse pas mal au topo pour le gravir et abandonne un peu l’itinéraire sur le plateau, un jour avant de partir, l’aide précieuse des membres du forum RL (ici: http://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?pid=285954#p285954) nous aide à y voir plus clair. Cela suffira comme préparation.
L’idée est tracée, on va au Mont Aiguille avec le matos d’alpi et les skis, on dort au sommet et on enchaine sur une traversée du plateau du Vercors en laissant le matos d’alpi au pied du Mont. On reviendra à la voiture en stop et on fera un aller retour pour récupérer le matos.
Je pars donc en voiture jeudi soir pour Paris récupérer Yann.
Enfin arrivés, nous avons deux choix possibles d’endroit pour laisser la voiture, soit vers Saint Michel les Portes, soit vers Chichilliane. On opte pour la seconde option, plus proche du sud du plateau qu’on nous a recommandé comme étant l’endroit le plus sauvage et le plus sympa à faire (pas de trace, peu de cabane, plus vallonné).
La route est blanche, pas mal de neige partout et la météo est relativement correcte pour les jours à venir, cela s’annonce bien !
Le temps d’arranger la voiture, de discuter un peu, nous nous endormons dans le coffre vers 3h.
Vendredi matin, grand soleil, génial. Seul le poids des sacs avec 4 jours de bouf et l’intégralité du matos alpi (seconde paire de chaussure, crampons, corde, piolet traction, quincaillerie, arva, etc) vient ternir le tableau.
Nous débutons sur le terrain de ski de fond de la Richardiere.
Premier questionnement sur l’itinéraire après un quart d’heure de progression, où sont les cartes ? Dans la voiture évidemment… Bizarrement c’est moi qui me colle à l’AR, Yann bronze 😀
Finalement nous trouvons le chemin qui va en direction du col de l’Aupet (1627m). Le chemin est au début assez évident à suivre malgré la couche de neige épaisse.
A mi-parcours nous perdons le GR, plus aucun arbre ne porte de trace, elles doivent être sous la neige. Nous brassions déjà pas mal sur le chemin mais là c’est encore pire. Nous savons dans quelle direction est le col et nous partons donc dans la forêt.
On découvre assez vite les limites du ski de randonnée nordique, pas du tout adapté aux pentes fortes. Nous enchaînons les conversions avec de la neige jusqu’au genoux et des branches plein la tronche.
Nous aurions dû rester dans le talweg et ne pas partir trop tôt sur la droite. Pas grave au final, on arrive sous la face nord-est du Mont Aiguille après plus de 4h éreintantes.
Le col où nous aurions dû arriver.
Il est assez tard, 15h passé, cela commence à devenir compliqué d’enchainer par l’ascension du Mont. On s’équipe tout de même, on laisse les skis en bas, on contourne la face et nous commençons à grimper. C’est bien glacé et ce n’est pas le bon endroit pour accéder à la voie normale. Le vent s’est levé, la luminosité diminue, bon, on redescend, on verra demain.
Nous poserons le bivouac au pieds de la face NO.
Abri fait maison.
Apres un peu de terrassement, la tente est posée, bien tendue et les jupes sont pourries.
Le matin, la tente fait un peu la gueule, quelques kilos de plus dessus sont apparus.
En effet, il a un peu neigé dans la nuit…
Oublié de pourrir la jupe de la porte ainsi que de construire un petit mur de neige sous la fermeture. Mon sac bouchait le trou mais je crois me souvenir l’avoir tiré vers moi en début de nuit pour m’en servir d’oreiller. Rien de catastrophique au final, un petit secouage des affaires et tout est rentré en ordre.
Et la météo est moche… Il neige, il y a du vent, il fait gris, peu de visi. Nous n’irons pas fouler le plateau du sommet du Mont Aiguille ce weekend. Beaucoup de regret pour ma part, l’année prochaine peut être.
Bon, c’est pas tout ça, mais nous sommes chargés comme des mulets. L’aller retour jusqu’ici pour récupérer le matos devait prendre 2h sur le papier, il y en a 8 pour nous dans ces conditions. Donc on abandonne l’idée de laisser le matos d’alpi ici. On va ramener tout cela à la voiture et on va aller s’éclater dans le sud du plateau !
La montée fut sympathique, la descente sera épique. Je n’ai jamais fait de SRN et ce genre de ski ne s’avère pas optimisé pour de la pente poudreuse… Même Yann se vautre ! Mais je totalise tout de même une cinquantaine de chutes de plus que lui…
On perd le GR assez vite comme la veille, on trace dans les bois, moi je m’agrippe aux branches, ça me ralentit bien 🙂
De retour à la voiture, on décide de monter sur le plateau par le vallon de Combeau. C’est apparemment un accès fréquenté et pas trop pentu. On a eu notre dose de D+ et de hors sentier pour le weekend (pensée qui, bizarrement, ne dure que quelques heures…).
Passage au col de Menée à 14h, -8°C.
On prend en stop un type assez chargé qui pourtant connait RL. On mange ensemble et il nous suit à bon rythme dans la montée du vallon.
L’itinéraire est tracé mais tout de même agréable à suivre.
La cabane de l’Essaure est attrayante mais nous voulons pousser jusqu’à Chaumailloux, quitte à finir à la frontale.
Passage du col du Creuson au soleil couchant.
La nuit commence à tomber, nous croisons un groupe de 9 personnes totalement éparpillées. Ils ne s’en sortent pas, ils ont chacun une pulka énorme, ils sont partis depuis le matin.
Quant à nous, nous arrivons à la cabane après 2h30 de montée, nous renseignons le guide sur l’état de son groupe, il commençait à revenir sur ses pas pour aller les chercher…
Nous dormons tous au même endroit et avec Yann, nous ne savons trop quoi penser des valises à roulettes qui sortent des pulkas, des gros pull en coton, de la paire de moon boots par personne, des centaines de lyo qui envahissent l’espace et des pots en verre de toutes sortes…
Le matin, le Mont Aiguille, splendide.
Nous nous dirigeons un peu à l’ouest, dans l’idée de partir ensuite plein nord pour rejoindre en hors sentier la cabane des Aiguillettes, au pied du Grand Veymont.
Il n’y a pas une seule trace à l’horizon, nous glissons silencieusement dans la poudre.
Nous atteignons la bergerie de Peyre Rouge puis nous basculons dans la plaine de la Queyrie.
Toujours aucune trace de passage au Pas des Bachassons, bien venté et gelé.
Ce n’est qu’à proximité de la cabane des Aiguillettes que nous retrouvons des empreintes de raquette.
De la haut, le nord du plateau semble bien plat et très dense en forêt. A l’allure où nous allons, nous pouvons être à Corrençon le lendemain mais la galère probable pour revenir à la voiture ainsi que l’attrait pour le plateau sud décrit comme magnifique, nous font opter pour une boucle et une traversée ouest-est.
Les crêtes du sud ont cependant l’air grandiose, elles doivent valoir à elles seules une sortie piolet crampon ou une excursion en été.
Direction donc la bergerie de la Grande Cabane pour rejoindre par la suite l’entrée de la pointe de Glandasse.
Nous récupérons le GR en direction de la cabane de Pré Peyret, il chemine sous les arbres parés de stalactites tandis que la neige commence à tomber.
Malgré les peaux, nous avançons à vive allure sur la neige tassée du GR. Finalement, nous ne les enlèverons jamais. Les écailles sont insuffisantes dés qu’il y a un peu de pente et les peaux ne gênent pas sur le plat.
Apres une pause fonte de neige à la cabane, nous continuons à descendre vers le sud.
Le chemin près des crêtes est superbe mais un peu paumatoire. Nous allons trop à l’ouest, vers le col des Bachassons (à ne pas confondre avec le Pas du même nom vu plus haut), la petite bergerie que nous croisons nous permet de nous repérer malgré la visibilité qui s’amenuise.
Nous continuons jusqu’au pied de la montagne de Die, entrée de la pointe de Glandasse. L’idée de poser le bivouac ici nous traverse l’esprit car si nous continuons, c’est 300D+ à gravir.
Mais nous trouvons une trace qui a l’air de monter. Demain elle aura disparu, il y a déjà pas mal de neige à brasser dessus, nous y allons.
Nous enchainons les conversions et plus le temps passe, plus nous nous enfonçons.
Arrivés en haut, la trace se perd, pas grave, l’orientation est facile maintenant. Nous avançons tout en cherchant un coin sympa un peu abrité du vent pour le bivouac.
Finalement ce sera derrière des sapins, nous sommes quelque peu claqués, il est temps de se mettre au chaud. Nous montons la tente à l’arrache et nous rentrons aussi sec dans nos plumes.
On fait fondre un peu de neige pour se faire de la soupe, on grignote deux trois trucs et rideau. Pas de pâte, pas de purée, pas de cuisine, pas de gestion de quoi que ce soit, on remet tout à demain.
Le vent continue de forcir et cela fait un boucan d’enfer, Yann dort mal, moi mieux car pour une fois je ne l’entends pas ronfler !
Notre espace de vie se rétrécie à mesure que les heures passent. La neige s’accumule, je me recroqueville dans mon SDC, la toile se rapproche de plus en plus de nous.
La gangue de neige qui se forme a au moins l’intérêt de bien nous isoler, j’ai trop chaud…
Au matin, il neige toujours, la visibilité est encore plus mauvaise que la veille, nous abandonnons l’idée d’aller à la pointe de Glandasse.
Nous préférons traverser directement le plateau sud pour rejoindre le vallon de Combeau.
Nous entamons la descente dans une poudreuse fraiche hyper légère. Les peaux nous ralentissent mais il est tout de même possible de profiter un peu de la descente entre deux brassages.
Aucune trace de visible, nous cherchons vainement le GR qui devrait se situer sur la crête où nous sommes. Pas grave, arrivés à 1600, c’est normalement assez simple, il faut filer tout droit NE-E.
La portance des skis est totalement submergée dans cette poudreuse. J’avance sans jamais les voir, ils restent dessous la neige, impossible de les faire remonter à la surface. C’est pénible et dur physiquement. Nous nous relayons pour faire la trace, je n’arrive pas à rester devant.
Ce qui paraissait simple sur la carte, s’avère plus complexe sur le terrain, nous ne faisons que grimper et nous avançons à un rythme démoralisant.
Normalement, nous sommes dans la bonne direction, mais nous n’avons aucun repère pour nous situer et la situation est finalement la même que si nous étions paumés. Notre rythme inhabituel ne nous permet pas d’estimer les distances et l’ensemble devient pesant moralement.
Mais au moins, nous sommes servis par la beauté des paysages. C’est sauvage à souhait, bien vallonné et pas trop boisé. Par contre, ni moi ni Yann ne prenons de photo, autre chose à penser…
Au bout de 5h non-stop, nous arrivons près d’un sommet au bord du plateau (que l’on identifiera plus tard comme étant celui de la Montagnette), nous sommes à plus de 1900m, nous sommes allés trop à l’est. D’un coté c’est rassurant, nous avons fini la traversée, mais nous ne savons toujours pas où nous sommes.
Décision est prise de partir plein nord pour tenter de retomber sur des traces. Nous devons forcément recroiser le chemin de l’aller entre la cabane de l’Essaure et celle de Chaumailloux.
Nous avons tout notre matos de bivouac et le plein de gaz, nous sommes en sécurité mais cette situation est assez chiante tout de même.
Nous croisons un gouffre bien visible, nous connaissons notre altitude et nous venons de quitter une barre rocheuse avec un sommet, pas mal d’info pour se repérer mais nous apercevons la bergerie de Chamoussel ! Génial ! Aucune trace, personne n’est passé là aujourd’hui. Nous serions passés 100m plus à l’est ou à l’ouest et notre petite épopée continuait.
Le temps de boire quelques popotes de thé (et d’Ice Tea en poudre !), de manger un bout et de se réchauffer un peu, nous repartons l’esprit léger. Il est 16h, Il nous reste un peu moins de 2h pour être à la voiture, nous ne devrions pas avoir besoin des frontales.
Un rayon de soleil perce à travers les nuages, nous descendons le vallon. Fin d’un gros weekend bien sympathique…