Liste d'équipement
Récit:
Lundi 10 juin, levé à 5h30 pour prendre un covoiturage jusqu’à Lyon où part mon avion à 9h. Arrivé à Bastia à un peu plus de 10h, je commence à réaliser que rejoindre Calvi va être un peu plus dur que prévu. Le train, comme le bus, partent de Bastia (à 20min de l’aéroport) seulement à 16h pour une arrivé à Calvi à 19h. Cela fait trop tard, je ne peux pas attendre autant. Je tente donc le stop et avec pas mal de bol et 3 voitures plus tard, je suis à Calenzana à 13h. J’ai un grand sourire, je suis pas trop mal sapé, j’ai un tout petit sac, cela doit aider !
Comme d’hab, il faut que j’oublie un truc et cette fois ce sera mon repas du soir. J’ai également un couteau à acheter n’ayant pas pris de bagage en soute, tout mon équipement devait passer en cabine.
L’épicerie n’ouvre qu’à 15h30, je visite donc les environs et prends un plat de pâte au roquefort « Chez Michel », le service est déplorable mais le repas est fort bon.
Sous un porche pour me protéger de la pluie, je m’essaie à une petite sieste. Sans succès. Une vielle dame passe une fois, me regarde, continue son chemin, puis repasse à nouveau et avec ses grands yeux plein de tendresse « Qu’est ce qui va donc pas mon ptit ? »
A 16h, j’ai trouvé de la purée au lait au Spar du bas de Calenzana (le Proxy du haut n’étant pas très ponctuel) et je m’élance sur le GR en trottinant, trop heureux d’enfin commencer.
Ma nouvelle montre de rando hors alpi, 19g.
La montée est importante et je me retrouve rapidement sur les hauteurs.
Le ciel est bouché, si je continue de grimper, je vais être dans le nuage.
Gagné.
Et normal, cela se transforme en pluie. La roche est détrempée et bien glissante, le chemin ruisselle. Moi qui pensait aller vite aujourd’hui…
Cependant, l’ambiance créée est magique, j’adore ce genre de paysage.
Je dépasse le refuge de l’Ortu, je ne l’aperçois qu’arrivé à 30m de lui, la visi est vraiment mauvaise. Cela grimpe toujours, je commence à avoir l’espoir de sortir du nuage par le haut.
Et en effet, moi qui pensait qu’il faisait déjà presque nuit, je me retrouve en plein soleil ! Le paysage est grandiose, beaucoup plus beau que ce à quoi je m’attendais.
Le soleil décline tandis que les passages deviennent plus alpins, les mains caressent le rocher, aide à la progression autant que les pieds. Je sais que plus personne n’est dehors à cette heure là, sensation de solitude enivrante, il n’y a plus que moi pour profiter de tout ce décors.
Dernière photo avant la nuit, mes yeux sont maintenant habitués, je peux continuer.
Lampe à la main, je ne l’allume que quand le passage est trop escarpé. Je commence à chercher un lieu de bivouac quand une lueur au fond de la vallée attire mon intention, le refuge de Carrozza. C’est un bon objectif.
A 22h je suis sur la terrasse, la majorité dorme, cela sera un lieu de bivouac bien plat, je m’installe.
Une lampe frontale vient vers moi, il me demande si c’est moi qui vient de descendre de la haut, nous discutons et il m’invite à venir dans la cuisine. Je n’arrive pas trop à savoir qui il est, guide ? Gardien ? Bref, je déplace mon bivouac sur le parquet de la cuisine et lui demande des informations pour demain. Il m’apprend que je suis très proche du cirque et qu’à ce rythme j’y serais trop tôt le matin pour passer à cause du gel. Mais il m’apprend surtout qu’il est apparemment impraticable. Il a encore neigé hier. Merde, moi qui était décidé à passer, on verra sur place.
La fameuse passerelle. Je suis parti un peu tard ce matin, un peu avant 6h, il faisait déjà jour, le soleil s’est levé plus tôt que prévu.
La Muvrella est défendu par une belle pente en neige. C’est glacé et j’ai beau taper comme un sourd, pas moyen de faire une marche. Je monte doucement en essayant de passer au maximum par les rochers, c’est long…
Arrivé en haut, le refuge apparaît, une belle descente, j’y suis à 9h moins le quart.
Je me précipite voir la gardienne pour avoir des infos fraiches. Elle m’apprend que la pluie que j’ai eu la veille est tombée sous forme de neige sur le cirque. Les gendarmes en auraient apparemment interdit l’accès. En tout cas, cela va être compliqué sans matériel. Une navette part à 9h pour sauter l’étape, je décide d’être sérieux, je n’ai de toute façon pas assez de temps pour passer une matinée à attendre que la neige soit praticable, ni une aprem entière à consacrer à une étape.
La navette est pleine, celle de 12h également, reste celle de 16h. J’explique mon cas aux randonneurs qui montent dans la première. Evidement, personne ne va se désister.
Pas moyen que j’attende 16h, il y a 60km de goudron à faire dont 25 pour rejoindre une route plus fréquentée où le stop est possible. Je commence à trottiner sur le bitume.
Quelques kilomètres plus loin, la gardienne me prend en stop, elle descend faire ses courses… Je trouve ensuite un couple de belge flamand en vacance qui me dépose au col de Vergio, il est midi passé, la journée peut continuer.
Le soleil se montre enfin et je m’équipe en conséquence !
Arrivé au lac de Nino, la montée est enfin terminée, on peut passer la seconde.
L’étape est assez longue jusqu’au refuge de Manganu et c’est avec plaisir que je l’aperçois sur son promontoire vers 16 ou 17h.
Je le dépasse et évidemment je n’ai pas regardé la carte et j’ai donc la surprise de tomber la dessus après quelques dizaines de minutes:
Bon, ça va être sympa !
La neige est bien molle, je glisse un peu mais dans l’ensemble ça va, c’est juste très long de bien respecter chaque empreinte, d’assurer chaque pas.
Une fois en haut, j’ai droit au même névé mais en descente cette fois, tout doucement…
Ce qui est génial, c’est que tout le monde s’est arrêté au refuge il y a déjà longtemps, je suis encore une fois tout seul, je ne peux pas espérer meilleur situation et meilleur panorama. C’est juste grisant.
Les névés s’enchainent, les nuages grimpent.
Et m’engloutissent.
Le manque de visi me fait perdre plusieurs fois la trace du GR et les passages en rocher m’empêchent de suivre la trace sur la neige.
Les périodes de doute s’enchainent, carte en main, je continue.
Les nuages se dissipes et les névés continuent à rythmer ma progression. J’ai le luxe de changer de piolet à chacun d’entre eux…
Le nuage, le retour.
Toute la descente jusqu’au refuge de Petra Piana se fait dans ces conditions. Il s’est mis à pleuvoir, le GR se transforme en rivière. Pieds trempés, roche glissante, l’euphorie de la fin d’aprem est définitivement retombée.
Je rentre m’ébrouer dans la cuisine du refuge, il est 20h passé. Je demande des infos sur la suite du GR, il me reste encore une grosse demi-heure de jour exploitable.
Une dizaine de personne sont attablée, j’attire leur attention avec mon équipement et mon désir de continuer. Bref, nous discutons. Un peu trop, le peu de jour qui perçais à travers le nuage disparait, je vais rester ici. Pour une fois qu’un groupe est curieux et désireux d’apprendre des choses sur la RL 🙂
Le matin, je pars à l’aube sur la variante des crêtes, il est un peu plus de 5h30, je profite enfin du levée de soleil.
La suite du parcours est toujours ponctuée de nombreux névés.
Descente au refuge de l’Onda et passage à proximité vers 9h. La montée qui s’en suit est sympathique, je passe en mode « pas du guide sous Tranxene », je me traine vraiment, c’est frustrant.
Dernier névé pour attaquer la descente jusqu’à Vizzavona.
Tout le plat à proximité de la cascade des Anglais invite à trottiner quelque peu avant de grimper la pente douce menant au bocco Palmente.
S’en suit un chemin très agréable, sans dénivelé marqué jusqu’aux bergeries de Capanelle.
L’attroupement à ce refuge est assez phénoménal. Peut être est ce dû aux nombreux panneaux vantant les douches chaudes et autres bières pressions ?
Je n’y ferais qu’une petite pause aération de petons. Des randonneurs présents m’apprennent que la suite est assez roulante, bon point.
Comme d’hab, je suis assez seul à ces heures là et c’est avec plaisir que je continue le chemin.
Pas de soucis de pénurie d’eau dans ce coin…
J’arrive au refuge de San Pietro di Verde vers les 20h. La fête bat son plein. Je demande où est la suite du GR, l’étonnement passé, on m’indique la forêt au loin et on me met en garde sur le trajet, encore 2 heures et 700D+.
Moi je vois surtout une belle opportunité d’être sur les hauteurs pour le coucher de soleil.
Arrivé à 21h30 au refuge de Prati, il fait nuit noir, je vais rester là, la terrasse est accueillante.
Départ un peu après l’aube, pas mal de chemin pour rejoindre le refuge d’Usciolu.
Le chemin alterne entre col, forêt et plateau.
J’arrive aux environs de 9h au refuge, je discute avec une jeune femme qui connait bien les environs et lui parle de mon programme. Mon avion étant demain matin à 8h30 à Bastia, je pense rejoindre le col de Bavella et faire du stop à partir de là. Sauf qu’elle m’annonce que c’est un endroit paumé et que j’ai très peu de chance de trouver une voiture en fin d’aprem là bas. Le gardien et deux gardes du parc se joignent à la conversation et me confirme ses propos, impossible d’être à Bastia demain matin. De plus, les deux gardes se proposent de me raccompagner en voiture à Vivario.
Bon, je bosse samedi, je ne peux pas me permettre de louper le vol, fin du GR ici, pas grave, je reviendrai.
Je descend à Cozzano attendre les gardes à coté de leur pick-up. La piste qui s’en suit, parcourue à tombeau ouvert débout dans la benne arrière, est extrêmement plaisante !
Arrivé à Vivario en début d’aprem.
Et stop en fin de journée pour rejoindre l’aéroport de Bastia.
Quelques trucs en vrac:
L’itinéraire est bien plus beau que ce à quoi je m’attendais, j’ai particulièrement apprécié la variété des paysages, ce n’est clairement pas un itinéraire monotone, chaque dizaine de minute le décors change totalement et à peine les yeux ont commencé à s’habituer qu’un nouveau apparait. C’est le genre de chemin où il est vraiment agréable d’aller vite pour accumuler en une journée le maximum de cette diversité.
Les refuges participent à cela, ils ponctuent régulièrement le trajet et donne l’impression de parcourir plus de chemin. A chaque refuge, c’est normalement une étape d’une journée classique, en faire plusieurs par jour est donc motivant et donne des points de repère pour se remémorer la journée et se figurer la distance parcourue.
Concernant la difficulté, ce n’est pas évident d’avoir un point de vue, je ne dirais pas que c’est aisé ou au contraire que c’est à réserver à des initiés. Disons simplement qu’en faisant une étape par jour ou un peu plus, cet itinéraire est accessible à la majorité des randonneurs. Les passages alpins pouvant ainsi être négociés dans le calme et avec tout le temps nécessaire à un pas sur.
Pour le trop plein de monde sur ce GR, je ne l’ai pas trop ressenti. Mes horaires décalés et ma progression m’ont confronté au gens seulement quelques heures par jour. Sur presque 70% du parcours, je fus tout seul. Et j’ai même ressenti la solitude comme rarement. Alors que sur d’autre trajet, je savais pouvoir tomber sur quelqu’un d’un moment à l’autre, sur celui ci, à cette période et avec cette météo, je savais pour plusieurs portions que j’étais l’unique bipède à des kilomètres à la ronde
Et enfin, vouloir faire une rando rapide sans repos préalable n’est pas très intelligent, la commencer en fin de journée également. Faire fi de la météo en comptant sur sa bonne étoile est dans la même veine, ce n’était clairement pas le moment pour faire ce GR en peu de temps. Dans ces conditions, il est clair que c’est au delà de mes capacités de le faire en entier en 3 jours et un 4eme jour m’aurait été nécessaire. Mais bon, attendre septembre m’était encore plus difficile, donc dans l’ensemble, je ne regrette rien.